Emmanuel Macron en Afrique centrale : un changement de “posture et de logiciel” face à la crise de l’influence française

Emmanuel Macron : 5 jours en Afrique centrale. Montage ©DBNEWS
Emmanuel Macron : 5 jours en Afrique centrale. Montage ©DBNEWS

Du 1er au 5 mars le président Français se rendra successivement au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzaville et en République Démocratique du Congo. Quatre pays le long du Bassin du Congo pour parler protection de forêts au One summit forest à Libreville, d’agriculture à Luanda et de culture à Brazzaville et Kinshasa. Emmanuel Macron veut renouer avec cette partie de l’Afrique qui partage avec la France des liens historiques dans un contexte de perte d’influence de la France et de l’Europe. Selon l’Elysée, le président Français va tenter « d’enrayer ce phénomène en luttant contre la désinformation de puissances étrangères, en particulier de la Russie ».

Une tournée de 5 jours qui marque le deuxième déplacement en Afrique subsaharienne du président de la République française depuis sa réélection, après le Cameroun, le Bénin et la Guinée-Bissau, en juillet 2022. Une tournée qui marque encore son 18ᵉ déplacement sur le continent africain. Ce qui illustre  la continuité de l’engagement du président Français dans la relation avec le continent africain.

Devant la presse française et internationale réunis le 27 février en la salle  des fêtes  du palais de l’Elysée, Emmanuel Macron a fait le point de la nouvelle stratégie de sa politique africaine pour contrer la baisse de l’influence française et assumer les intérêts français sur un continent africain devenu une terre de compétition. Pour cela, le chef de l’Etat français a plaidé pour  un réveil collectif, une relation équilibrée, réciproque et responsable avec l’Afrique, un passage de la logique d’aide à une logique d’investissement solidaire et de partenariat et enfin pour une réduction visible des militaires français, une question sur laquelle Emmanuel Macron a insisté compte tenu des enjeux sécuritaires sur le continent, notamment à l’Est de la RDC.

Par ailleurs, Emmanuel Macron a annoncé la prochaine tenue du sommet du 23 juin 2023 consacré au nouveau partenariat sud-nord, la deuxième édition de Choose Africa ainsi que le nouveau programme économique. Il a encore relevé et encouragé à faire valoir les atouts de la France en Afrique tout en exhortant à considérer et à assumer le rôle et la place des diasporas. Selon l’Elysée, le déplacement en Afrique centrale illustre la volonté du président Français de changement de « posture » et de « logiciel », au cœur du nouveau partenariat avec l’Afrique, qu’il avait souhaité engager dès 2017.

Une volonté d’abord sur la protection des forêts du bassin du Congo, ensuite un partenariat dans le domaine de l’agriculture avec l’Angola pour sa souveraineté alimentaire. Ce déplacement mettra encore l’accent  sur le partenariat en matière de santé, notamment de la recherche à Kinshasa où le président Macron s’entretiendra avec le professeur Muyembe, éminent scientifique Africain à l’origine de la découverte du virus Ebola. La culture et le partenariat dans le domaine de la culture seront  au centre des deux étapes à Brazzaville et à Kinshasa.

À Kinshasa, Emmanuel Macron rencontrera des artistes congolais mais aussi des entrepreneurs de la filière industries culturelles et créatives. La mémoire conduira par ailleurs Emmanuel Macron à Brazzaville, capitale de la France libre, où il s’entretiendra avec son homologue Denis Sassou Nguesso et y visitera des lieux de mémoire importants et la communauté française. Lors de la conférence de presse à l’Elysée le 27 février, Emmanuel Macron s’est exprimé sur la question de la restitution des oeuvres d’art à l’Afrique et s’est dit « ouvert » à la discussion avec le président Denis Sassou NGguesso sur la question du collier du roi Makoko dont l’original se trouve en France. Emmanuel Macron a annoncé qu’ « au-delà des approches au cas par cas, vouloir structurer une politique d’ensemble ». Une « loi cadre » sera proposée pour asseoir la méthodologie et les critères au retour des œuvres spoliées par la France.

Un forum économique le 4 mars en RDC

 Emmanuel Macron sera accompagné d’une forte délégation d’acteurs institutionnels, de parlementaires, mais aussi d’une large délégation économique  française et européenne. Seront présents au Gabon  principalement les acteurs de l’industrie forestière. A Luanda, en Angola, des représentants du monde économique agricole. Scientifiques, chercheurs,  artistes, entrepreneurs français de la filière industries culturelles et créatives accompagneront Emmanuel Macron en RDC. Une délégation économique d’entreprises françaises investies dans le domaine des infrastructures, notamment de la ville durable, sera présente dans le pays où se tiendra un forum économique le 4 mars. Ce forum consacré à la relation entre la France et la RDC, sera élargi à l’Union européenne et abordera trois thèmes principaux et importants pour la RDC : les infrastructures et la ville durable, la technologie, la transition énergétique et l’exploitation des métaux rares,  un thème central pour l’économie congolaise.

Le One Forest Summit les 1er et 2 mars 2023 à Libreville

En présence d’Emmanuel Macron et d’une quinzaine de chefs d’Etats et de gouvernement, de scientifiques indépendants, la rencontre sera centrée sur la protection des forêts tropicales. L’ensemble des trois bassins sera représenté autour de débats contradictoires. En marge du sommet sera organisé un  colloque scientifique avec la communauté scientifique du bassin du Congo.

L’objectif du sommet est de mettre au centre des discussions les enjeux, les menaces et les solutions du  bassin du Congo, parce que c’est aussi à cette échelle que se développent les pratiques exemplaires en matière de gestion forestière que la France souhaite mettre à profit sur ses territoire d’Outre-Mer. Se concentrant sur 3 axes ( la science, les chaînes de valeur et les financements), le sommet se tient sur le bassin du Congo parce que moins regardé que l’Amazonie par la communauté internationale. Pourtant, le bassin du Congo  est aujourd’hui le premier poumon forestier de la planète qui séquestre plus de carbone. Le bassin du Congo est tout aussi soumis aux menaces de déforestation et de dégradation de la forêt. L’objectif sera donc  de se focaliser  sur ce bassin, même si l’ensemble des trois bassins forestiers d’Amazonie, d’Asie et d’Afrique seront représentés.

Pourquoi la collaboration franco-gabonaise sur les forêts ?

Le Gabon correspond à une économie qui se veut exemplaire et précurseur sur ce sujet, au même titre qu’un certain nombre d’autres pays, avec des approches innovantes et des réglementations solides qui ont été mises en place. Pour transformer l’économie et en faire une économie circulaire respectueuse de la forêt, depuis 2010, le Gabon interdisait déjà l’exportation de grumes. De ce fait, le bassin forestier gabonais séquestre chaque année plus de CO2. Ensuite pour les prochaines années, la France et le Gabon seront les co-facilitateurs du Partenariat pour la protection des forêts du bassin du Congo. Au-delà du sommet,  les deux pays organiseront  le dialogue, le partage d’expertise et les solutions à l’échelle du bassin du Congo.

Les impacts du One Forest Summit sont attendus pour la population gabonaise. En effet, le sommet réfléchira sur un modèle d’économie basée sur les ressources forestières, mais aussi sur un modèle d’ exploitation durable et la transformation locale des produits pour créer de la valeur ajoutée sur le terrain africain. Un modèle de production que le Gabon a déjà adopté.

Le format du sommet

Le sommet se déroulera  le 1ᵉʳ et le 2 mars avec un nombre important de séquences de niveau ministériel entre les trois bassins forestiers. Des modèles de coopération scientifique et économique pour rendre les économies forestières plus durables et rémunératrices pour les populations, seront au centre des discussions. Parmi les acteurs, les jeunes et les communautés autochtones seront aussi représentées. Le président Français visitera par la suite la forêt protégée gabonaise et échangera  avec les principaux experts du bassin du Congo, avec d’une part, le ministre gabonais de l’Environnement, Lee White, le directeur général du Centre national de recherche gabonais, Alfred Ngomanda, et le chercheur Averti Ifo, expert des tourbières africaines.

Emmanuel Macron veut ainsi faire progresser à Libreville l’initiative des partenariats pour la conservation positive qu’il a lancée à la COP 27 à Charm el-Cheikh, en Egypte. Cette initiative va permettre d’offrir tous les outils scientifiques, économiques et financiers pour donner de la valeur aux réserves vitales de carbone et de biodiversité dans le bassin du Congo dont les pays ont fait entendre leur voix à la COP 27.

Plus vulnérables au changement climatique du fait de la pollution des grandes puissances,  les pays du bassin du Congo ont une grande attende du sommet, notamment en matière de financements. La dynamique de la diplomatie africaine observée sur la question révèle également du côté africain un changement de posture et de logiciel à prendre en compte.

Carmen Féviliyé

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A propos CARMEN FEVILIYE 808 Articles
Juriste d’affaires Ohada / Journaliste-Communicant/ Secrétaire Générale de l'Union de la Presse Francophone - UPF section France