Parmi les évocations des ambitions de la sixième édition du rendez-vous de Bercy, les organisateurs ont programmé les industries culturelles et créatives (ICC) dont les chiffres actuels démontrent un fort potentiel de croissance et un rayonnement du savoir-faire de l’Afrique à l’international.
On désigne par industries culturelles et créatives les secteurs d’activité ayant comme objet principal la création, le développement, la production, la reproduction, la promotion, la diffusion ou la commercialisation de biens, de services et activités qui ont un contenu culturel, artistique et/ou patrimonial.
Pour ce panel animé par Arnaud Fleury, journaliste économique, Jean-Michel Abimbola, ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts du Bénin ; Saidou Bernabe, co-fondateur, Parralel 14 via IOM ; Jean-Michel Bonard, Head of Music Business, Trace ; et Grace Loubassou, directrice relations institutionnelles et projets sociétaux, Canal +.
En guise de rappel et en chiffres, les industries culturelles et créatives ont représenté, en 2020, près de 3% du PIB des États africains. En 2015, l’OIF avait estimé qu’elles contribuaient à environ 1,1% du PIB régional sur les zones Afrique et Moyen-Orient. Ces chiffres démontrent le fort potentiel de croissance d’un secteur considéré comme l’un des plus porteurs au niveau mondial.
Les panélistes ont apporté un argumentaire en expliquant qu’on assiste depuis quelques années à une montée en puissance du business de l’art et de la culture, notamment auprès de la jeunesse. Dans des pays tels que les deux Congo, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Nigéria ou le Ghana, certains secteurs, notamment le cinéma, connaissent un véritable essor.
Pour Grace Loubassou, reprenant en exemple les propos du ministre béninois, elle a confié qu’en partant du constat de l’industrie du film, ne serait-ce que les chiffres Nollywood du Nigeria, l’envie d’investir dans le secteur des industries culturelles et créatives est permanente parce que c’est un continent tout simplement jeune, c’est un continent qui utilise les smartphones et, donc, qui consomme énormément de données culturelles.
En partant de ce postulat, le groupe Canal+ a fait le pari de tout miser sur le continent en délocalisant les productions afin d’avoir une chaîne de valeurs plus authentique et plus ancrée dans les histoires africaines afin que, justement, les consommateurs s’en approprient le contenu. « On va rester sur l’exemple du Bénin, c’est un pays dans lequel on a développé une chaîne qui s’appelle A+ Bénin avec des programmes 100% béninois, des émissions béninoises pour les personnes du Bénin, mais aussi pour toute la région ».
Le groupe opère de la même manière au Sénégal avec une chaîne en wolof, au Congo avec une chaîne en Lingala. L’objectif consiste à s’introduire dans des productions de plus en plus locales tout en étant une entreprise mondiale historiquement connue comme grand acteur du sport. Outre le cinéma, les industries culturelles et créatives, c’est également la musique avec la chaîne Trace. Grâce à celle-ci, les vedettes telles que Koffi Olomidé, Fally Ipupa ou Roga Roga excellent sur la scène internationale.
Ce secteur emploie 20% de jeunes entre 15 et 29 ans à travers le monde, dont 45% de femmes. La structuration des métiers de l’art et de la création est une nécessité, autant pour les États africains qui en tireront le bénéfice en termes de promotion culturelle, création d’emplois et dynamisation de l’économie, que pour les entrepreneurs du secteur souhaitant sortir de l’informel ou pour les entreprises qui pourront diversifier leurs activités en attribuant une partie de leur budget RSE au développement d’un secteur porteur.
Pourtant, malgré leur influence majeure et largement reconnue sur le monde de la culture et de l’art, les ICC africaines n’ont pas encore déployé la totalité de leur potentiel. Et pour cause, en dehors de grandes figures connues au-delà des frontières, ou de certains outsiders ayant bénéficié de la visibilité permise par l’essor du numérique et le potentiel de virilité des réseaux sociaux, de nombreux artistes évoluent encore dans le secteur informel par manque d’accompagnement ou de moyens. Tout en restant optimiste, le temps est venu pour que les industries culturelles et créatives en Afrique deviennent, d’une manière durable, un moteur du développement économique et social.