En Afrique centrale, la République du Congo se démarque avec la loi « Mouébara » de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles , adoptée le 4 mai 2022. Une innovation dans le corpus juridique du pays, toutefois imprégnée d’une polémique tenace
Adoptée le 4 mai 2022 et proposée par Ines Nefer Bertille Ingani Voumbo Yalo, ministre de la Promotion de la Femme et de l’Intégration de la femme au développement, cette loi est un instrument juridique significatif visant à protéger les femmes et les filles contre toutes formes de violences basées sur le genre.
Elle vise à prévenir les violences grâce à des campagnes de sensibilisation dans les communautés, à protéger les victimes en mettant en place des refuges et des mécanismes de signalisation, à poursuivre les auteurs en assurant une application stricte de la loi et à changer les mentalités en éduquant sur l’égalité des genres tout en déconstruisant les normes patriarcales. Elle aborde plusieurs aspects de violences faites aux femmes, notamment :
- Les violences domestiques : Elle criminalise les actes de violence au sein du foyer, qu’ils soient physiques, psychologiques ou économiques.
- Les violences sexuelles : Des peines renforcées sont prévues pour les auteurs de viols et d’autres agressions sexuelles.
- Les mariages précoces et forcés : Ces pratiques, qui restent courantes dans certaines régions du pays, sont interdites.
- Les mutilations génitales féminines (MGF) : Bien que ces pratiques soient rares au Congo, la loi en interdit strictement la pratique.
- La prise en charge des victimes : La loi prévoit des mécanismes de soutien, notamment l’accès à des soins médicaux, une aide juridique et un accompagnement psychologique.
Il existe également des initiatives complémentaires venant des organisations locales et internationales qui accompagnent les autorités congolaises par des campagnes de sensibilisation dans les communautés rurales et urbaines, des formations pour les juges et les forces sur la gestion des cas de violences basées sur le genre et des groupes de soutien aux victimes.
Des défis importants ralentissent la bonne application de la loi
Malgré l’existence de la loi, de nombreuses femmes ne connaissent pas leurs droits. La sensibilisation fait défaut, malgré les efforts déployés dans les médias, sur le terrain dans les grandes villes et les communautés rurales. Les Congolaises déplorent l’implication insuffisante des forces de l’ordre dans la prise en charge, ce qui découragerait les victimes, révélant ainsi les moyens limités dans les infrastructures et les ressources nécessaires pour la protection des victimes.
Même si une brève « accalmie »a été observée par les autorités, les cas de violences faites aux femmes alarment de nouveau, malgré la présence de la loi. Cette réalité tenace pourrait s’expliquer par les pressions sociales et culturelles au Congo où les normes patriarcales continuent de freiner les dénonciations, les violences notamment conjugales, étant considérées comme des affaires privées. A l’occasion de la marche contre les violences faites aux femmes organisées le 24 novembre à Brazzaville, Ines Nefer Bertille Ingani Voumbo Yalo a déploré le regain de violences sur les Congolaises, invitant les hommes à la « masculinité positive », au changement de comportement, et encourageant les femmes « à dénoncer, sans crainte, toutes les formes de violences dont elles sont victimes ».
La loi Mouebara reste malgré tout un pas crucial vers une meilleure protection des droits des femmes en République du Congo. Toutefois son efficacité dépendra de la sensibilisation et des moyens déployés.
Surtout d’un changement sociétal profond.
Carmen Féviliyé