Du point de vue protocolaire, qu’est-ce qui justifiait l’exceptionnelle visibilité du président de la République du Congo lors de la cérémonie de réouverture de la cathédrale le 7 décembre ? De source sûre, la réponse ne nous est pas encore parvenue. Etait-ce le montant de la contribution du président congolais à la France ? Toujours est-il que cette position de premier rang aux côtés de la France et des Etats-Unis commence déjà à faire polémique au sein de la communauté congolaise en France et ailleurs, bien-sûr au Congo…
Cette controverse amène à examiner de près le rôle des donateurs étrangers, notamment Africains, dans la restauration de la cathédrale. Après l’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris en avril 2019, plusieurs personnalités et pays étrangers avaient annoncé des dons pour la restauration de ce monument emblématique. Concernant les présidents africains, il y a eu des annonces et gestes symboliques de certains dirigeants.
Des contributions notables de la part d’Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire exprimant une participation symbolique, sans qu’un montant précis n’ait été officialisé. De même pour Macky Sall en 2019, aujourd’hui ancien président du Sénégal. Pour sa part, Denis Sassou N’Guesso du Congo-Brazzaville avait justifié son soutien en mettant en avant l’importance culturelle et historique de Notre-Dame pour le monde entier, toutefois sans preuve publique ou officielle du montant du chèque pour la restauration du monument français.
Il nous a été dit dans l’entourage du président congolais que cette position protocolaire aurait été accordée car Denis Sassou N’Guesso serait considéré « aujourd’hui, comme l’un des plus grands chefs d’Etat africains aux côtés de Ramaphosa et Biya ». Il nous a également été rapporté que la polémique n’avait aucun sens puisque Jérémie Robert, le conseiller Afrique du président Emmanuel Macron et porteur d’un message d’amitié, avait été reçu en audience par le président Denis Sassou N’Guesso le 29 octobre à Brazzaville. Ce qui, pour notre source, suffirait pour affirmer que le président congolais était attendu à Paris comme invité.
Hormis le Congo, les présidents du Gabon, du Togo et de Guinée-Bissau figuraient également bien visibles dans la cathédrale parmi la cinquantaine de chefs d’Etats et de gouvernements. Compté également parmi les mécènes, le roi du Maroc a été représenté en bonne place à la cérémonie par son frère Moulay Rachid. Mohammed VI avait participé de manière singulière à l’élan de solidarité en envoyant une équipe d’artisans marocains spécialisés pour contribuer à la restauration de certaines parties de la cathédrale, en plus d’une contribution financière dont le montant n’a pas précisé.
Toutefois, il demeure important de relever que la majorité des contributions pour la restauration de Notre-Dame de Paris viennent de grandes fortunes et d’entreprises françaises ou internationales. Au total, 846 millions d’euros de donation ont été enregistrés, venant de pas moins de 340 000 donateurs privés et de 150 pays, avec un surplus de dons de 140 millions d’euros qui seront consacrés à une troisième phase de travaux de restauration en 2025.
Diverses réactions parmi les Africains
L’annonce des contributions de certains dirigeants africains à la restauration de Notre-Dame de Paris avait suscité de nombreuses réactions parmi les Africains, en fonction des perspectives sociales, politiques et économiques. Une polémique qui persite encore aujourd’hui… Pour les sceptiques, il s’agit d’une priorité mal placée, alors les pays africains font face à des défis majeurs tenaces. Pour eux, l’élan de générosité de leurs dirigeants est perçu comme un retour à la colonisation, un symbolisme qui alimente les critiques sur la faiblesse des politiques de valorisation et de réhabilitation des patrimoines africains.
Pour autant, certains considèrent ces contributions comme un geste diplomatique pour renforcer les relations et favoriser des échanges culturelles. Il s’agit bien évidemment de solidarité internationale démontrant que l’Afrique est prête à contribuer aux grandes causes mondiales, comme son implication pour la paix en Europe fragilisée par la guerre entre la Russie et l’Ukraine, ou encore dans la crise en Libye, et aussi dans le Sahel où la diplomatie africaine joue un rôle central.
Il reste néanmoins que les populations ne sont pas conscientes de ces contributions, car elles n’ont fait l’objet d’aucune communication claire ou transparente.
Carmen Féviliyé