Une agriculture garante de la sécurité́ alimentaire

Une agriculture garante de la sécurité́ alimentaire

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Selon la FAO, 20 % de la population subsaharienne est sous-alimentée. Les solutions traditionnelles, basées sur les importations massives de denrées alimentaires, évaluées à 43 milliards de dollars par an, montrent leurs limites. Les agriculteurs africains sont confrontés à des revenus insuffisants et à un manque d’accès aux outils et technologies modernes mais aussi aux prêts bancaires. En effet, confirme l’Alliance pour une Révolution Verte en Afrique (AGRA), seuls 23 % des agriculteurs ont accès à des outils modernes, ce qui handicape leur productivité et leurs revenus moyens, souvent inférieurs à 2 dollars par jour.

L’AFA est une structure d’expertise agricole et d’audit financier, qui s’intéresse tout d’abord au produit des agriculteurs, à sa transformation, son conditionnement et sa distribution à petite et grande échelle.

Ce constat a été au cœur des débats de la conférence « Agriculture et sécurité alimentaire en Afrique : financement et formation pour libérer le potentiel des jeunes et stimuler l’emploi », qui s’est déroulée à Paris le 7 février.

Une rencontre organisée par Liliane Marat Massala, vice-présidente d’Agro Finance Africa et directrice générale de Moza Consulting. Celle qui fut également ambassadrice du Gabon en France a réuni des décideurs, des ministres africains, des personnalités influentes du monde politique, économique et agricole, de grandes organisations internationales, des experts, des agripreneurs, des PME, des entrepreneurs engagés dans le développement de l’Afrique, mais aussi des membres de la diaspora africaine. « La jeunesse est un acteur incontournable. Avec son enthousiasme et son énergie, elle fera en sorte que l’on puisse dire oui Africa First, ou agriculture first et oui Agriculteurs first ! », s’exclame Michel Fossaert, président d’Agro Finance Africa.

Des pistes de solutions ont été ainsi proposées lors de cette journée de réflexion. « L’objectif est de stimuler la chaîne de valeur agricole dans les pays africains afin de permettre aux agriculteurs locaux d’avoir des récoltes conséquentes basées sur une agriculture moderne et soutenue. L’idée n’est pas seulement d’avoir des récoltes abondantes mais aussi permettre aux producteurs et aux unités de transformations d’avoir des outils performants pour plus de productivités et éviter les pertes des semences », résume Michel Fossaert.

À la recherche de solutions locales

L’autre point abordé est le difficile accès aux financements pour les agriculteurs africains. « La solution est de les intégrer au capital des entreprises de transformation, leur permettant de percevoir des revenus complémentaires grâce à la redistribution des bénéfices », souligne Liliane Marat Massala. Un modèle pourra également s’appuyer sur des mécanismes de financement innovant tel que le Blended capital qui combine des fonds publics pour diversifier les revenus agricoles des producteurs. « L’exemple d’une coopérative au Sénégal en est une illustration. Elle a réussi à augmenter ses revenus de 40 % grâce à une participation au capital des unités de transformations. »

Liliane Marat Massala
Liliane Marat Massala

En matière de sécurité alimentaire, différents intervenants ont apporté leurs témoignages sur la façon dont ils développent l’agriculture locale afin de permettre aux populations de trouver des solutions de proximité pour se nourrir sans se ruiner mais aussi sans faire des kilomètres pour s’approvisionner.

Tel Amadou Koné, maire de la commune de Bouaké et ministre des Transports de Côte d’Ivoire : « Je suis convaincu qu’il faut de plus en plus s’appuyer sur les collectivités locales. À Bouaké, nous travaillons avec le ministère de l’Agriculture, en développant la chaîne logistique pour assurer la production, la distribution et faciliter la consommation », témoigne-t-il. Avant de constater que les petits agriculteurs sont majoritaires et « ont un rôle important à jouer en même temps que les grands groupes et grandes unités de production » et qu’« il faut aussi éviter le gaspillage que nous devons maîtriser à travers le stockage et les unités de transformation ».

La Déclaration de Kampala, prononcée initialement en 2022 par quinze pays africains, s’engage à augmenter la production agroalimentaire de 45 % d’ici 2035, à réduire de moitié les pertes post-récolte et à tripler les échanges commerciaux intra-africains de produits agricoles. Ceci pour respecter dans d’autres termes la Déclaration de Malabo avec un engagement ferme de respecter les 10 % des ressources publiques de chaque pays africain à allouer à l’agriculture. Elle n’était qu’une des étapes de la prise de conscience des Africains, une nouvelle fois exprimée 9 au 11 janvier 2025 par un sommet extraordinaire de l’Union africaine, également organisé à Kampala, en Ouganda.

L’implication de la diaspora

Biendi Maganga-Moussavou, ancien ministre gabonais de l’Agriculture de l’élevage et de la Pêche, commente : « Derrière la souveraineté alimentaire, figure la production et la transformation des produits agricoles, la création d’emplois, la sécurisation de nombreux jeunes et de nombreuses femmes dans les zones rurales et même en zone urbaines auxquels on offrirait des solutions pérennes pour prendre leur vie en main sortir de la pauvreté et de la précarité ». Il s’agit de leur éviter « d’avoir à s’orienter vers l’exil ». En d’autres termes, « c’est apporter plus de prospérité, plus de sécurité, moins d’insécurité dans les pays et c’est aussi s’assurer que la nutrition est maîtrisée sur le continent et qu’un pan important de l’économie est maîtrisé ».

Dans ce contexte, la diaspora africaine est un acteur clé pour le développement durable du continent. Chaque année, elle transfère plus de 50 milliards $, selon les chiffres de la Banque mondiale en 2024. Elle commence désormais à s’intéresser à l’agriculture et à la transformation agroalimentaire.

Une table ronde de la conférence.Une autre table ronde a permis un dialogue ouvert entre les acteurs publics et privés, entre les politiques et les entrepreneurs, entre les investisseurs et la diaspora africaine pour élaborer des solutions concrètes et innovantes face aux défis de la sécurité alimentaire et de l’employabilité des jeunes sur le continent africain. La présence d’entrepreneurs comme Aïssata Diakité, créatrice de la marque Zabbaan, de Charlotte Libog, fondatrice de l’initiative Afrique Grenier du Monde ou encore de Christian Abegan, chef cuisinier, auteur du livre Patrimoine culinaire Africain, a été remarquée.

Leurs échanges et réflexions ont tourné autour des solutions pour une agriculture africaine productive, une transformation réussie mais aussi sur l’utilisation des produits locaux dont l’importance et l’urgence a été expliqué par le chef cuisinier Christian Abegan. « Je vais vous parler d’un de mes coups de cœur qui est le fonio : une solution pour atteindre la sécurité alimentaire et qui n’a pas besoin de beaucoup d’eau pour les cultures. On peut même utiliser le fonio pour l’alimentation des enfants. C’est un produit naturel, diététique et qui peut aider à réduire les exportations si nous adoptons une bonne politique de production et transformation. »

Promoteur de l’Arche Culinaire, Christian Abegan milite et informe depuis des années sur l’importance de l’utilisation des produits africains notamment le fonio ou le manioc pour limiter les exportations et lutter contre l’insécurité alimentaire.

Mobiliser les comptences et les capitaux

Les enjeux financiers sont d’autant plus importants face à la démographie africaine ; car qui dit agriculture dit financements. Pour leur part, MOZA Consulting et Agro Finance Africa encouragent à adopter une approche réfléchie et structurée, en favorisant l’épargne et l’investissement dans des instruments financiers sûrs, tels que les obligations AFA et le fonds d’investissement Solipar, orientés vers la transformation agricole.

L’Agro Finance Africa (AFA) n’est pas un fonds d’investissement mais une structure d’expertise agricole et d’audit financier, qui s’intéresse tout d’abord au produit des agriculteurs, à sa transformation, son conditionnement et sa distribution à petite et grande échelle.

Une table ronde de la conférence.L’organisme travaille avec les coopératives et les PME déjà au cœur de la transformation de produits agricoles destinés au marché intérieur. Présent sur le terrain, il facilite aux agriculteurs des prêts avec une approche de taux bonifiés. AFA crée ainsi une relation avec les bailleurs de fonds et banques locales africaines en établissant un partenariat avec certaines d’entre elles dans chaque pays où elle s’implante.

Du côté financement, AFA s’est doté de ses propres instruments financiers obligations Titres participatives et désormais, d’un fonds d’investissement et impact : Solipar.

Autre innovation : le déploiement du réseau associatif « Obligations Économiques » dans une dizaine de pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale pour soutenir cet engagement. Ce réseau offre notamment aux membres de la diaspora des solutions de placement sécurisées, contribuant ainsi à la croissance des économies locales tout en garantissant des rendements attractifs. « Il faut former, formaliser et financer. Si on réussit à mettre en place ces trois éléments, je pense que nous ferons un grand pas dans la recherche d’une solution durable pour une agriculture durable que nous voulons tous », commente Liliane Marat Massala.

@AB

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A propos CARMEN FEVILIYE 864 Articles
Juriste d’affaires Ohada / Journaliste-Communicant/ Secrétaire Générale de l'Union de la Presse Francophone - UPF section France