Akli Mellouli, sénateur du Val-de-Marne en France@Akli Mellouli
Nous avons rencontré le sénateur du Val-de-Marne au terme du colloque « Diasporas africaines, acteurs clés d’une coopération renouvelée » qu’il a organisé le 13 septembre au Palais du Luxembourg. À travers cet événement, Akli Mellouli souhaite impulser une réflexion de fond sur la place des diasporas dans la politique africaine de la France et leur rôle comme moteur d’innovation et de développement. Dans cet entretien le député français revient sur les objectifs du colloque, la notion d’Afropéen et
les défis qui attendent les jeunes générations.
AAFC : Pourquoi avez-vous organisé ce colloque et pourquoi maintenant ?
Akli Mellouli : Depuis mon élection au Sénat, il y a presque deux ans, j’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux acteurs et de travailler avec eux. Très tôt, nous avions l’idée d’organiser ce type de colloques, mais il fallait le faire dans de bonnes conditions : pas un « one shot », mais un cycle structuré, avec une organisation et une logistique solide.
Aujourd’hui, après deux ans de mandat, j’ai eu le temps de prendre la mesure du travail parlementaire, d’étudier les rapports, d’observer les enjeux. Le moment était donc venu. C’est une étape logique, qui arrive à maturité. Ce colloque n’est d’ailleurs que le début : il s’inscrit dans une série de tables rondes et de rencontres, notamment avec des ambassadeurs. Notre objectif est de produire un véritable travail de fond, qui pourrait déboucher sur un « livre blanc » ou un mémo pour faire avancer les choses et construire des solutions avec différents partenaires.
Vue des participants à la conférence@Deborah Tassin-AAFC
Quel est l’objectif principal de cette initiative ? Qu’aimeriez-vous laisser à travers elle, peut-être même après votre mandat de sénateur ?
Ce que je souhaite laisser, c’est un changement de regard : une autre manière d’appréhender la diaspora, l’immigration, les enjeux humains. Un regard plus universel, plus humanitaire. Aujourd’hui, trop souvent, par dogmatisme, par haine, par racisme ou par xénophobie, on se prive d’une richesse, d’une force. Les préjugés et les représentations empêchent de voir la réalité, de percevoir le potentiel. Il faut sortir des fantasmes : celui d’une Afrique fantasmée ou celui « d’envahisseurs » tout aussi fantasmés. Nous devons parler de personnes à potentiel, de personnes qui veulent construire avec les autres.
Vous dites préférer le terme « Afropéen » à celui de diaspora. Comment définiriez- vous ce terme, et comment ces « Afropéens » peuvent-ils s’engager ?
Le mot « diaspora » ne me convient pas. On l’utilise, mais il assigne trop souvent. Je préfère « Afropéens », qui ouvre un champ universel. Ce travail sur les mots est essentiel : ne pas se laisser enfermer dans une sémantique qui exclut, mais inventer un langage d’inclusion. L’Afrique n’est pas une mosaïque à diviser : il n’y a pas l’Afrique subsaharienne d’un côté, le Maghreb de l’autre. Il y’a une unité africaine, dans sa diversité.
Le terme “Afropéens” ouvre un champs universel
@Akli Mellouli
Le rôle d’un « Afropéen », c’est d’abord de choisir sa voie. Mon rôle, à moi, n’est pas de lui imposer une direction, mais de faire en sorte qu’il ne soit pas empêché de s’engager, qu’il dispose d’un espace pour s’exprimer et qu’il puisse prendre sa place. Mon message est simple : laissons-les prendre leur place. Toute leur place, mais rien que leur place. Contrairement aux préjugés, ils ne viennent pas « prendre le pain » des autres. Ils viennent travailler. Regardez ces personnes qui, à Calais, risquent leur vie pour traverser la Manche et rejoindre l’Angleterre, un pays où il n’y a aucune protection sociale. Elles refusent même parfois l’aide de la Marine nationale, au péril de leur vie, parce qu’elles savent qu’en Angleterre elles pourront travailler. Elles ne viennent pas pour les aides, mais pour offrir une vie meilleure à leurs enfants. Mes parents, eux aussi, n’étaient pas
venus chercher des aides, mais pour travailler et me donner une vie meilleure. Si, à la fin de mon mandat, ce message est entendu, alors j’aurai, comme le colibri, apporté ma pierre à l’édifice.
Lors du colloque, certains participants ont confié vouloir partir à l’étranger. Quel message leur adressez-vous ?
Je n’ai pas de message à leur donner, si ce n’est celui d’aller au bout de leurs espoirs et de leurs rêves, de ne pas renoncer, d’y croire. Mon rôle, c’est de veiller à ce que, s’ils souhaitent rester, ils puissent le faire dans de bonnes conditions. Et que, s’ils choisissent de partir, ils puissent également le faire dans de bonnes conditions. La mobilité doit être possible pour tous. Cela passe par la transmission. J’ai beaucoup appris en écoutant les anciens, en voyant les parcours évoluer. Certains ferment la porte derrière eux, mais finissent par se coincer les doigts dedans. L’altérité, c’est justement réfléchir à ce que nous transmettons, à ce que nous faisons évoluer. Et il ne s’agit pas d’afficher des personnes uniquement pour leur origine, mais de reconnaître leurs compétences, leur potentiel, et de créer les conditions pour qu’il puisse s’exprimer. Ce que je veux éviter, c’est que des barrières ou la haine de l’autre viennent freiner ces personnes. Mon message, c’est de leur donner l’espoir et les moyens de faire un choix libre, car je crois que le choix de chacun est toujours le meilleur.
Selon vous, quelle est la principale difficulté que rencontrent aujourd’hui les Afropéens en France ?
La difficulté majeure qu’ils rencontrent est la difficulté à croire en eux-mêmes, et convaincre les autres de leur potentiel. Je veux dire à la génération à venir : croyez en vous, croyez en vos rêves. Ne laissez personne vous faire renoncer. L’échec n’est pas une fin : il fait partie de l’expérience. Ce qui compte, c’est de se relever et d’avancer.
Propos recueillis par Déborah Tassin pour AAFC actualité Afrique centrale