
Le 6 octobre 2025, le verdict du Conseil exécutif de l’UNESCO est tombé comme un couperet : le candidat congolais Firmin Édouard Matoko n’a obtenu que 2 voix face à 55 pour l’Égyptien Khaled El-Enany. Une défaite lourde, presque symbolique, qui interroge aujourd’hui sur la prévisibilité de cet échec et sur les failles de la diplomatie congolaise.
Une défaite attendue? Plusieurs observateurs estiment que l’échec de Firmin Matoko n’a surpris ni les diplomates ni les connaisseurs du système onusien. Selon Al-Monitor, son concurrent égyptien Khaled El-Enany, ancien ministre des Antiquités, « bénéficiait d’un réseau diplomatique solide et d’un soutien institutionnel fort, notamment de la Ligue arabe, de l’Union africaine et de plusieurs puissances culturelles européennes ».
En comparaison, la candidature congolaise est apparue tardive, moins visible et limitée dans ses relais régionaux. D’après Jeune Afrique, Firmin Edouard Matoko, bien qu’expérimenté et respecté au sein de l’organisation où il a occupé des postes de haut niveau, « n’a pas eu le temps ni les moyens de bâtir une campagne suffisamment large pour rallier les grands blocs géopolitiques ». Autrement dit, la partie semblait jouée avant même le scrutin.
Les forces d’une candidature ambitieuse
Firmin Edouard Matoko incarnait pourtant une figure crédible et compétente. Ancien sous-directeur général de l’UNESCO chargé de la priorité Afrique, il portait une vision panafricaine axée sur la refondation de la coopération éducative, la promotion du multilinguisme et la valorisation du patrimoine africain.
Son expérience interne à l’organisation lui donnait une légitimité administrative incontestable, et plusieurs diplomates africains reconnaissent sa connaissance fine des rouages de l’UNESCO.

Sur le plan symbolique, sa candidature marquait aussi une volonté du Congo de reprendre sa place dans les grandes instances internationales, après la tentative avortée d’Henri Lopes à la tête de l’OIF il y a quelques années.
Les faiblesses d’une campagne isolée
Une campagne marquée par plusieurs handicaps. Malgré l’engagement personnel de Firmin Édouard Matoko et le soutien affirmé de la République du Congo, la campagne congolaise pour la direction générale de l’UNESCO a souffert de plusieurs handicaps majeurs. D’abord, un démarrage tardif, alors que son adversaire égyptien, Khaled El-Enany, menait campagne depuis 2023 avec une stratégie bien structurée. Ensuite, une communication limitée, peu visible dans les médias internationaux et sur les plateformes diplomatiques clés, a freiné la portée du message congolais.
À cela s’ajoute un lobbying diplomatique jugé insuffisant, notamment auprès du groupe Afrique et des pays arabes, qui ont dans leur grande majorité accordé leur soutien au candidat égyptien. Le Congo, de son côté, n’a pas réussi à bâtir une coalition régionale solide, particulièrement au sein de l’Afrique centrale, où plusieurs États voisins ont adopté une position de neutralité, voire de désintérêt.
Un profil institutionnel solide, mais politiquement affaibli
Firmin Édouard Matoko, bien que prestigieux au sein de l’UNESCO, souffrait d’un déficit politique : n’ayant jamais exercé de fonction ministérielle dans son pays, il disposait de réseaux diplomatiques moins étendus que ceux de son concurrent. En face, Khaled El-Enany, ancien ministre égyptien des Antiquités, bénéficiait d’un soutien étatique massif, d’une visibilité internationale renforcée par ses fonctions gouvernementales et d’un appui coordonné du bloc arabe au sein de l’UNESCO.
Ainsi, malgré la compétence reconnue et l’expérience multilatérale de Firmin Édouard Matoko, la candidature congolaise manquait de relais politiques de haut niveau et d’une stratégie d’influence à la hauteur d’une élection aussi géopolitiquement sensible.

Si Firmin Édouard Matoko dispose d’un parcours impressionnant au sein de l’UNESCO, où il a occupé des fonctions de haut niveau pendant plus de deux décennies, son absence de fonctions ministérielles ou politiques nationales a pu constituer un handicap majeur face à son concurrent égyptien. Dans ce type d’élection, le poids diplomatique et la capacité à mobiliser les États comptent souvent autant, sinon plus, que la compétence technique.
Le candodat congolais, respecté pour sa rigueur et sa connaissance du système onusien, souffrait d’un déficit de visibilité politique et de réseaux diplomatiques étendus. Là où Khaled El-Enany bénéficiait du soutien d’un appareil diplomatique puissant et d’une expérience ministérielle reconnue, Firmin Edouard Matoko s’appuyait surtout sur son expertise culturelle et son attachement à l’Afrique. Cette différence de stature politique a sans doute pesé lourd dans le vote final.
Ainsi, malgré une campagne empreinte de dignité et de conviction, Firmin Edouard Matoko a pâti d’un profil jugé trop institutionnel et pas assez politique, dans une compétition où la diplomatie, les alliances régionales et le lobbying international jouent un rôle décisif.
En résumé, sa brillante carrière technique n’a pas suffi à compenser l’absence de profil politique et ministériel, un facteur déterminant qui a probablement contribué à l’écart massif de votes face à Khaled El-Enany. Résultat : seulement deux voix — celle du Congo, son pays et d’un État allié, le Vietnam —, un score qualifié de revers diplomatique majeur.
Le symbole d’un continent fragmenté

Cette élection intervient après la disparition du sénégalais Amadou-Mahtar Mbow, premier Africain à diriger l’UNESCO (1974-1987), intervenue en 2024.
Un symbole fort, qui souligne à quel point l’Afrique peine désormais à parler d’une seule voix. L’époque où le continent pouvait se mobiliser derrière un candidat commun semble révolue : aujourd’hui, les rivalités régionales et les influences extérieures dominent les votes au sein du groupe Afrique.
Le silence du Congo et la dignité du candidat
Depuis le scrutin, ni le gouvernement congolais ni Firmin Edouard Matoko n’ont souhaité commenter publiquement la défaite. Le diplomate s’est contenté d’un message sobre de remerciement sur Facebook, saluant le soutien de son pays et de ses alliés.
Ce silence officiel, s’il traduit une certaine déception, témoigne aussi d’un choix de retenue et de dignité, dans la plus pure tradition diplomatique.

Et maintenant? Cet épisode interroge : Le Congo a-t-il encore une réelle influence au sein du groupe Afrique de l’UNESCO ? Ses partenaires régionaux ont-ils réellement soutenu sa candidature ? La diplomatie congolaise souffre-t-elle d’un manque de stratégie à long terme ?
Une chose est sûre : après deux revers successifs sur la scène internationale à l’OIF et à l’UNESCO, Brazzaville est désormais appelée à repenser son approche diplomatique, renforcer ses alliances africaines et moderniser son image à l’international.
Carmen Féviliyé