

L’Afrique s’affirme comme moteur de paix, avec le soutien du monde à Paris… Sous l’impulsion conjointe du Togo et de la France, la Conférence de soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs, s’est tenue le 30 octobre au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères à l’initiative de Faure Gnassingbé et Emmanuel Macron. En marge de cette rencontre, plusieurs entretiens bilatéraux se sont notamment déroulés au Palais de l’Élysée.
Témoignant d’une volonté commune de renforcer le dialogue et la coopération régionale, cette mobilisation internationale a constitué un moment fort de diplomatie et de solidarité internationale. Elle a démontré la capacité de l’Afrique à être un véritable moteur de paix, avec le soutien du monde. Présentée comme une rencontre historique, cette initiative a marqué une avancée majeure dans la recherche de stabilité et de reconstruction de la région fragilisée par des crises récurrentes. Elle a néanmoins révélé des tensions persistantes, certains chefs d’Etat de pays clés n’ayant pas pris part aux travaux.
Une conférence pour agir… mais sans tous les présidents directement impliqués
La mobilisation a néanmoins révélé des tensions persistantes, certains chefs d’Etat de pays clés n’ayant pas pris part aux travaux. ont été représentés à un niveau ministériel, comme les présidents Paul Kagame du Rwanda par une délégation ministérielle, Évariste Ndayishimiye du Burundi, par son ministre des Affaires étrangères, et Yoweri Museveni de l’Ouganda, par une délégation ministérielle.
Ces absences présidentielles ont été relevées par les médias comme un signal diplomatique important : elles traduisent, selon certains observateurs, des tensions régionales et la difficulté d’organiser un dialogue pleinement inclusif. La rencontre a toutefois réuni près de 70 délégations (États, organisations internationales, ONG, société civile).
Le monde au chevet d’une région au bord de la rupture

Le conflit prolongé dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) et les tensions frontalières avec ses voisins – Rwanda, Ouganda et Burundi -continuent de plonger la région dans une crise multidimentionnelle.
Les chiffres sont alarmants : début de 2025, plus d’un million de personnes ont été déplacées dans l’est de la RDC. La crise alimentaire frappe plus de 28 millions de personnes, dont 500 000 enfants souffrant de malnutrition sévère. Les violences sexuelles contre les femmes et les filles, la désorganisation du système de santé et la pénurie de médicaments aggravent encore la situation. Malgré les efforts des acteurs humanitaires, l’insécurité et les épidémies rendent l’accès aux zones affectées presque impossible.
En ouverture des travaux, Emmanuel Macron, a rappelé la gravité de la situation : « Cette crise dans la région des Grands Lacs n’est pas seulement une crise congolaise : elle concerne toute la communauté internationale et interpelle notre responsabilité collective. » Un constat appuyé par Jean-Noël Barrot, ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, en ces termes : « Pour la France, cette crise n’est pas oubliée. Cette crise n’est pas négligée ».
La réponse doit être africaine
Côté africain, le président togolais Faure Gnassingbé a souligné que la crise humanitaire dans la région des Grands Lacs « constitue à la fois un test moral pour le monde et un test politique pour l’Afrique ». Il a également insisté sur la nécessité de « transformer la compassion en solution et l’urgence en avenir », rappelant que l’aide attendue dans la région doit « soulager sans nourrir la dépendance, et stabiliser sans figer les rapports de force ». Pour Faure Gnassingbé, « l’urgence humanitaire appelle désormais à une réponse durable et intégrée. Et cette réponse doit être africaine. »

Le contexte international: les négociations parallèles impulsées par Washington
Cette conférence s’inscrit dans un contexte géopolitique plus large, alors que les États-Unis multiplient les initiatives diplomatiques dans la région. Washington, à travers le Département d’État, mène depuis plusieurs mois des discussions bilatérales avec Kigali et Kinshasa, cherchant à désamorcer la confrontation armée et à encourager une médiation régionale soutenue par les Nations unies.
Le rôle des États-Unis se veut médiateur-clef, mais aussi acteur stratégique, notamment en lien avec les ressources naturelles de la région. L’accord entre la RDC et le Rwanda du 27 juin 2025 est considéré comme un pas significatif, mais sa mise en œuvre reste plus critique : retrait réel des troupes, désarmement des groupes armés, accès humanitaire garanti. Les aspects économiques et d’intégration régionale sont fortement mis en avant ; la paix n’est plus seulement sécuritaire mais aussi économique,
“L’Afrique doit redevenir actrice de sa propre stabilité, avec le soutien coordonné de ses partenaires” Faure Gnassingbé
La région des Grands Lacs reste malgré tout marquée par de nombreux défis : suspicions de non-respect des engagements, tensions entre États voisins, enjeux de souveraineté et ressources naturelles.
Les États-Unis visent à réduire l’influence des groupes armés, tout en promouvant une coopération sécuritaire et économique régionale. La conférence de Paris apparaît ainsi comme complémentaire, mais aussi un signal politique fort pour le continent : l’Afrique doit redevenir actrice de sa propre stabilité, avec le soutien coordonné de ses partenaires.
Les principales résolutions et annonces de la Conférence

Emmanuel Maron : « Aujourd’hui, ensemble, nous avons franchi une étape et je suis fier d’annoncer que vous avez collectivement mobilisé plus de 1 milliard et demi d’euros d’assistance pour les populations les plus vulnérables », une mobilisation financière majeure annoncée par le président français dans le cadre du plan humanitaire des Nations unies.
D’autres annonces et résolutions complémentaires ont suivi :
- Réouverture de l’aéroport de Goma (RDC) : Engagement de rouvrir l’aéroport à des vols humanitaires afin de faciliter l’accès des secours dans les zones les plus isolées.
- Création de couloirs humanitaires sécurisés : Adoption du principe de corridors humanitaires protégés, respectueux de la souveraineté des États concernés.
- “Contrôle africain” de l’aide : Le président Faure Gnassingbé a plaidé pour un pilotage africain de la gouvernance de l’aide : coordination, suivi, redevabilité et transparence.
- Vers un financement durable : Transition progressive de l’aide d’urgence vers un fonds de développement durable, cofinancé par les pays africains et leurs partenaires.
- Justice économique et transparence : Lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles et les trafics alimentant les groupes armés.
- Renforcement du rôle des organisations africaines : Appel à renforcer le leadership de l’Union africaine et des structures régionales dans la mise en œuvre des accords de paix.
Une dynamique à consolider
Malgré les absences et les divergences persistantes, la conférence du 30 octobre a représenté un tournant politique et humanitaire.
Elle rappelle que la paix dans les Grands Lacs ne peut être imposée de l’extérieur, mais co-construite par les acteurs africains eux-mêmes, avec un soutien international cohérent et durable.
L’enjeu est désormais de traduire les engagements en actions concrètes, sur le terrain, au bénéfice des millions de civils pris dans le cycle de la violence et de la précarité.
Carmen Féviliye

