France – Aide au développement: l’AFD dévoile son plan d’orientation stratégique 2018-2022

Jean-Yves Le Drian, ministre français de l’Europe et des affaires Etrangères a rendu publique la nouvelle politique de l’Action de la France pour le Développement (AFD), baptisé “Pour un monde en commun. Stratégie 2018-2022”. Une nouvelle orientation  pour de nouvelles perspectives dévoilées aux côtés de  Rémy Rioux, directeur général de l’institution.  Une offensive qui ouvre la porte aux nouveaux acteurs et renforce la solidarité avec l’Afrique. Le point de presse a eu lieu au siège de l’organisation française à Paris le 3 septembre.

Une annonce qui arrive après l’intervention d’Emmanuel Macron, Président de la République française lors de la conférence des ambassadeurs  le 27 août, pour dévoiler la nouvelle politique de développement de la France centrée sur la mise en commun des biens.

Présentée par Jean-Yves Le Drian, la nouvelle politique française de solidarité se base sur des  enjeux et partenariats internationaux  de la France, car l’aide publique au développement est  l’une des priorités du quinquennat du président: plus de 6 millions d’euros dont 1 milliard  au bénéfice des pays du Sud sur le long terme et à la  rénovation de la politique de l’aide au développement. Les domaines visées par cette innovation:  éducation, jeunesse, santé, climat, genre, sécurité, le continent africain et 19 pays prioritaires. Le Ministre Jean-Yves Le Drian a annoncé que l’AFD disposerait dès 2019 du milliard d’euros additionnels à attribuer sous forme de dons. Cette annonce forte devra se traduire dans le budget 2019.

Une décision qui intervient également après la tenue d’un conseil de développement pour la  réforme de la politique de développement en vue d’un investissement solidaire, qui, pour le cas de la France, fait ressortir  trois orientations: le rétablissement des leviers d’action pour renforcer la partie bilatérale  des actions françaises; la concentration vers les pays pauvres et fragiles par la transformation de l’aide sous forme de prêts en dons ; les montants alloués avec 50 millions d’euros dont la moitié servira aux projets Genre et à la reconstitution du fonds mondial contre le sida; 200 millions en direction de la gestion des crises et le reste, aux questions de gouvernance. Le Ministre a en effet annoncé que la France augmenterait “considérablement la part de [son] engagement sous forme de dons en proportion par rapport aux prêts”. Il s’agit selon le Ministre « ni plus ni moins que d’un quadruplement par rapport au montant accordé en 2018, qui était de 300 millions d’euros, et on augmente ce montant d’un milliard ». Le rééquilibrage de l’aide en faveur des dons est une revendication des ONG depuis des années. En effet, les prêts, qui représentent la majorité des engagements de l’AFD, ne sont pas adaptés à des enjeux sociaux tels que la santé ou l’éducation. Le Ministre a précisé que ces dons cibleraient 19 pays prioritaires, en particulier la région du Sahel.

L’espace Afrique ou  “Tout Afrique”, une  stratégie ambitieuse

“Tout Afrique” est le nom donné à la nouvelle stratégie africaine du groupe AFD. Le continent africain reste essentiel et constitue  le premier bénéficiaire avec 18 pays dont le Sahel. L’expression “Tout Afrique” révèle que l’AFD prend  désormais “la pleine et exacte mesure du continent”, impliquant une nouvelle lecture de l’Afrique. L’institution française entend être la première  à considérer cette partie du monde comme un tout, cessant de couper le continent en deux entre l’Afrique du Nord et l’Afrique Subsaharienne. Selon Remy Rioux, cette nouvelle stratégie vise à reconnaître pleinement l’émergence du continent, qui, par sa richesse et sa population cumulées rivalise déjà avec l’Inde, sans bénéficier encore du même statut international.

Réagissant à la remarque du média en ligne AFC sur le fait que la version “Tout Afrique” pourrait être perçue comme une stratégie de communication, l’Afrique étant plutôt un continent multiple, Rémy Rioux a répondu : “Nous portons un regard régional sur le continent africain mais nous devons encore explorer et développer les programmes en conséquence”. Sur les relations avec l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF),Rémy Rioux a assuré que l’organisation francophone était partie intégrante de la plateforme AFD avant de mettre l’accent sur les défis à relever parmi lesquels : créer du lien avec les pays, investir dans les pays du sud, libérer et encourager le développement et bien entendu renforcer les relations entre l’AFD et les ambassades des pays francophones.

Un engagement renforcé pour l’énergie en Afrique

Dans le cadre des résolutions prises  par la France lors de l’Accord de Paris, le groupe AFD s’est engagé à financer à hauteur de 6 Mds d’euros le secteur de l’énergie sur le continent africain d’ici 2020. La moitié de ces financements seront destinés à appuyer l’initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI), dont plus de la moitié a déjà été octroyé fin 2017 pour neuf projets labéllisés par l’AREI. La moitié des 600 MD d’euros du fonds “Stoa“créé par l’AFD et la Caisse des Dépôts et Consignations et dédié aux infrastructures sera consacrée à l’Afrique, soit 300M d’euros.

Investir massivement dans l’éducation africaine

Un investissement essentiellement en dons, en concentrant les moyens sur les pays prioritaires dont la Gambie et le Liberia. Un accent particulier sera donné à l’éducation des filles (notamment dans les pays d’Afrique Subsaharienne sous pression démographique), à la formation des maîtres, des professionnels et à l’émergence de nouveaux modèles économiques pour l’enseignement supérieur. Porteur de l’expérience de développement et de savoir-faire français l’AFD entend contribuer à partager des solutions pour des trajectoires d’émergence durable. Pour cela,  l’Agence veut se fonder sur la réciprocité des expériences avec chacune des régions émergentes. Le Partenariat mondial pour l’éducation (PME) sera l’interlocuteur privilégié du groupe AFD au plan international et les liens avec le ministère de l’Education français seront renforcés.

Favoriser l’accès à la santé et à la protection sociale

L’accès à des services de santé et de protection sociale de qualité reste un enjeu prioritaire dans les pays en développement. Face à ces enjeux, l’AFD a annoncé renforcer son engagement dans ces secteurs pour accompagner la transition démographique et sociale de ces pays. Ses activités tourneront autour de trois axes:

  • Le soutien à la santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale et infantile y compris la planification familiale, la nutrition et la promotion du Genre;
  • La promotion de la couverture universelle en santé;
  • Le renforcement des systèmes de santé (infrastructures, équipements, gouvernance, ressources humaines, veille sanitaire, système d’information / e-santé) et la mise en place de systèmes de protection sociale inclusifs.

Le sport, catalyseur de cohésion sociale

l’agence française veut étendre son activité au sport africain considéré comme un vecteur privilégié pour l’atteinte de nombreux Objectifs de Développement Durable. A la demande du président de la République française, Emmanuel Macron,  et du gouvernement, l’AFD préparera une plateforme destinée aux projets dans le secteur sport en Afrique. Des travaux ont déjà été engagés notamment avec la Banque mondiale. Un plan d’action sera présenté courant 2018.

L’AFD  ouvre la porte à des acteurs non souverains

Conformément aux objectifs des Nations-Unies de développement durable (ODD) d’ici 2030, la nouvelle stratégie de l’AFD  ouvre la porte à de nouveaux acteurs, dits “non souverains” sur la base de différents critères:

  • La priorité au financement sera accordée aux entreprises publiques, collectivités territoriales, organisations de la société civile, fondations et secteurs privé et financier, qui doivent justifier en plus d’un réflexe partenarial. Selon l’AFD “… un projet mené avec un partenaire vaut toujours mieux qu’un projet sans partenaire…”, un principe appliqué en vue de l’Agenda 2030 des ODD et de l’Accord de Paris qui impose une réponse collective et partenariale.
  • Le respect de l’Accord de Paris: protection de la planète oblige, la mise en oeuvre de l’Accord de Paris est désormais au coeur du mandat de l’AFD. Les financements doivent désormais être compatibles  avec un développement bas-carbone et l’investissement public et privé doit  être mobilisé dans cette direction.
  • Les projets éligibles doivent également contribuer à renforcer le lien social.  Les critères pour bénéficier du soutien de l’AFD seront la lutte contre les inégalités et le renforcement du lien social entre populations et territoires, mettant l’accent sur l’accès à l’éducation et à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
  • Le développement en “3D” (Défense, Diplomatie et Développement), une vision tournée vers la prévention des conflits pour garantir le développement durable par la paix et la stabilité en travaillant avec les “acteurs du développement en complémentarité avec l’action des humanitaires , des diplomates et des militaires.”

Agir sur les facteurs des migrations contraintes

Une action qui sera menée sur les flux migratoires avec les pays bénéficiaires, en quatre points:

  • Accompagner les mobilités régionales Sud-Sud en développant les zones d’attractivité économique et en facilitant les coopérations transfrontalières;

  • Valoriser et renforcer les apports économiques, sociaux, culturels et humains des diasporas, sur les territoires d’origine, de première destination et d’accueil;

  • Promouvoir une meilleure gouvernance des migrations à travers l’appui aux politiques publiques migratoires des Etats et territoires partenaires, pour permettre une gestion concertée des migrations et l’accès aux droits pour les migrants et leur intégration dans les sociétés d’accueil;

  • Offrir des opportunités alternatives aux migrations contraintes, à travers le soutien au secteur privé et à la création d’emplois et à la promotion de la gouvernance dans les pays d’origine et de destination:

  • Produire des connaissances et contribuer à la diffusion d’un discours étayé sur les réalités des phénomènes migratoires, dans le cade du mandat du groupe en matière d’éducation au développement et à la solidarité internationale.

Au-delà de son intérêt pour l’Afrique, l’AFD veut se positionner en plateforme bilatérale de la politique française de développement. Son ambition  est de focaliser les acteurs et financements solidaires. Réaliser cet objectif demande de s’ouvrir à de nouveaux partenariats , de renforcer le modèle financier, d’accueillir de nouvelles expertises et d’intégrer pleinement le numérique.

Nos yeux restent rivés sur le budget 2019. Sans nul doute qu’acteurs et partenaires suivront cela de très près dans les semaines à venir.

Carmen Féviliyé

 

Photo : © Alain Goulard / AFD

 

 

 

 

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A propos CARMEN FEVILIYE 808 Articles
Juriste d’affaires Ohada / Journaliste-Communicant/ Secrétaire Générale de l'Union de la Presse Francophone - UPF section France