Nous avons rencontré un homme qui se distingue par son dynamisme, sa modernité et son dévouement pour le continent africain. Avocat inscrit au Barreau de Paris, il a su conquérir la prestigieuse université Paris-sud Saclay où il intervient depuis plusieurs années auprès d’étudiants en fin de parcours. Un professionnel au profil atypique qui a suscité l’intérêt de la Rédaction. Rencontre AFC avec Maître Lewis Nsalou Nkoua.
AFC : Maître Lewis Nsalou Nkoua, vous êtes avocat, spécialisé en Marchés publics et en Partenariats publics privés depuis 2015, et enseignez depuis 2006 à l’université de Paris-Sud Saclay où vous intervenez auprès du Master 2 Contrats publics et du Master 2 Entreprise et droit de l’Union Européenne. Vous intervenez parallèlement comme formateur en Marchés publics auprès des hauts fonctionnaires des pays africains, à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) en France, sans oublier la matière des Contrats publics que vous enseignez à l’Ecole des avocats du Barreau de Paris (EFB). Vous êtes également très demandé auprès des diasporas africaines… Peut-on dire de vous que vous êtes un avocat hors pair ?
Maître Lewis Nsalou Nkoua (M.L.N.N.) : Je présente plutôt un profil atypique avec un exercice orienté vers le continent africain et une pratique de la profession conciliant les activités du Cabinet et celles liées à la formation et à l’enseignement.
AFC : Vous êtes passionné par votre métier. Quelle est votre motivation ?
M.L.N.N. : Je suis avant tout un passionné du droit, plus précisément du droit public. J’ai gravi les échelons régulièrement, marche après marche, avant de devenir Avocat. Je suis passé par des stages dans des cabinets d’avocats et auprès des directions juridiques de grandes entreprises publiques. A la fin de mon Master 2, j’ai eu l’occasion d’exercer en tant que Juriste à l’Aéroport de Roissy où j’ai été en charge de la réglementation aéroportuaire.
Concernant mon parcours d’enseignant, j’ai d’abord, pendant cinq ans, été chargé de travaux dirigés de droit constitutionnel et de droit administratif avant de me voir octroyer la charge des enseignements magistraux auprès des Master 2.
Toutes ces étapes viennent aujourd’hui conforter ma passion d’exercer la profession d’Avocat.
AFC : Pourquoi une spécialisation en Marchés publics ? Aviez-vous déjà détecté les opportunités d’investissements en Afrique dans ce domaine ?
M.L.N.N. : C’est relativement la suite logique de mes études de droit public. A la fin de mon DEA de droit public, j’ai hésité entre un sujet de thèse sur le droit de vote des étrangers et celui relatif aux marchés publics. Ma rencontre avec Jean-Marc Peyrical, mon directeur de Thèse, m’a plutôt orienté vers les contrats publics. Je lui ai donc proposé de travailler sur les marchés publics au Congo, thèse que j’ai soutenue en 2012.
Lors de mes travaux de recherche, j’ai remonté l’historique de la pratique des contrats publics en Afrique francophone, ce qui m’a fait constater la faiblesse des réglementations en vigueur. A l’école des Avocats, j’ai suivi un parcours spécialisé au sein de l’Institut de droit public des affaires où j’ai obtenu un diplôme universitaire (DU) en droit public des affaires. Fort de ce parcours et de mon intérêt pour le continent africain, j’ai orienté mon activité vers l’accompagnement des investisseurs en Afrique et l’appui technique aux acteurs publics africains.
AFC : En termes de portefeuille clients, ce domaine occupe-t-il une part importante et qui sont vos clients ?
M.L.N.N. : Le droit des marchés publics africain s’inscrit dans une dynamique constante. Les réglementations érigées du fait de l’impulsion des bailleurs de fonds internationaux nécessitent d’être adaptées aux évolutions et aux standards internationaux. La formation des acteurs publics et privés dans le domaine des marchés publics s’imposerait, à l’évidence, comme une des priorités des gouvernements africains.
Mes clients, dans ce secteur, sont donc essentiellement les cabinets d’ingénierie qui répondent aux appels d’offres lancés par les gouvernements africains et les institutions internationales comme la Banque Mondiale, le FED* ou encore l’AFD*.
Lors de mes travaux de recherche, j’ai remonté l’historique de la pratique des contrats publics en Afrique francophone, ce qui m’a fait constater la faiblesse des réglementations en vigueur .
Les missions portent généralement sur la formation sur mesure des hauts fonctionnaires et sur l’appui technique à apporter aux administrations – Autorité de Régulation des marchés publics, direction centrale de contrôle des marchés publics, cour des Comptes et organisations sous- régionales en charge des marchés publics.
En France, je travaille sur les problématiques liées aux activités réglementées et au droit public général, par exemple le Contentieux administratif et le contentieux réglementaire. Par ailleurs, j’ai toujours considéré que l’Avocat devait rester avant tout un humaniste et c’est dans ce sens que j’ai également souhaité maintenir une activité en matière de droit d’asile et de droit des étrangers.
AFC : Vous êtes un enseignant très impliqué car, grâce à vous, vos étudiants ont pu bénéficier récemment de rencontres avec des professionnels, notamment en droit des affaires africain (Ohada). Quelle en a été la teneur et pourquoi les avoir destinées aux étudiants en fin de cycle Entreprise et droit de l’union européenne ? Quel autre rôle avez-vous auprès de vos étudiants ?
M.L.N.N. : Mon rôle auprès des étudiants est principalement celui de transmettre un savoir, des connaissances, avec les obligations de service public qui s’imposent.
J’ai, depuis quelques années, initié la possibilité d’inviter des professionnels à venir parler de leur expérience avec les étudiants qui se trouvent en fin de parcours et que nous préparons pour leur entrée dans la vie professionnelle. C’est toujours l’occasion pour les étudiants de faire de belles rencontres et, assez souvent, de faire naître chez eux de nouvelles perspectives professionnelles.
C’est dans ce sens que, cette année, dans le cadre de mon séminaire « Stratégie d’implantation des entreprises à l’international », j’ai invité Madame Carmen Féviliyé, en sa qualité de Juriste, à venir nous parler de l’Ohada comme outil d’investissement en Afrique. Nous avons donc pu échanger sur les formes de structures d’installation et sur le règlement des conflits. Rappelons que, sur le continent africain, la réglementation Ohada couvre essentiellement les contrats privés, les contrats publics pouvant s’en inspirer en matière de règlement amiable des litiges.
AFC : Comme formateur en Marchés publics, vous intervenez notamment auprès d’une élite africaine. Est-ce parce que vous êtes d’origine congolaise ou portez-vous un réel intérêt pour l’Afrique en général ?
M.L.N.N. : Mes différentes interventions auprès des autorités de plusieurs pays africains démontrent largement mon intérêt pour l’essor d’un droit des marchés publics en Afrique.
La formation des acteurs publics et privés dans le domaine des marchés publics s’imposerait, à l’évidence, comme une des priorités des gouvernements africains .
Mes origines congolaises m’aident à avoir une meilleure compréhension des problématiques qui peuvent aller au-delà du droit. En Afrique, la contextualisation est un enjeu majeur.
AFC : Le Congo, votre pays d’origine, ne fait pas partie de cette élite africaine que vous formez. Comment expliquez-vous cette absence alors que ce pays est en pleine mutation en termes de construction d’infrastructures et qu’il y manque des formateurs, surtout dans ce domaine pointu?
M.L.N.N. : Comme vous le savez, « Nul n’est prophète en son pays » ! Mais ceux qui me connaissent savent bien toute l’importance que je porte au Congo. J’ose espérer que les occasions ne manqueront pas dans cet élan de mutation que vous évoquez. Mon expertise est bien évidemment à la disposition de l’Afrique, et naturellement du Congo.
AFC : Quelles sont vos actions auprès des ressortissants africains ? Nous avons noté votre participation le 12 février au siège de la Banque mondiale à Paris à la présélection de Diaspora Entrepreneurship dont Papa Wane est le fondateur. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
M.L.N.N. : J’estime que les diasporas africaines peuvent constituer des relais utiles au développement de l’Afrique. Avec mon ami Pierre Auriacombe, conseiller à la Mairie de Paris, nous accompagnons depuis bientôt deux ans Diaspora Entrepreneurship, structure dirigée par Pape Wane, et soutenue par la Banque Mondiale. Il s’agit d’une compétition sous forme de téléréalité visant à sélectionner des projets porteurs en direction de l’Afrique. Cette année, j’ai fait partie du jury de sélection qui s’est réuni au siège de la Banque Mondiale le 12 février dernier. Le 12 avril prochain, nous procéderons à la remise des trophées aux projets retenus.
AFC : Vous êtes avocat, enseignant et … lobbyiste ?
M.L.N.N. : Pour faire simple, je suis Avocat-lobbyste et Enseignant. Toutes ces activités étant compatibles et cumulables, je dois juste veiller à équilibrer mon degré d’exposition à chacune d’entre elles.
AFC : Quels sont vos projets ? La politique en France ou au Congo ? Votre profil le laisse présager… Qu’en dites-vous ?
M.L.N.N. : – (Rire) – Mon activité d’Avocat, comme je viens de l’évoquer, me passionne et occupe l’essentiel de mon temps. La politique au Congo, je n’en fais pas. Mais, pour ceux qui connaissent bien l’histoire du Congo-Brazzaville, je suis descendant du « royaume Téké », une famille royale qui a fait l’histoire de ce pays. En France, j’ai collaboré pour Nouvelle République de Michel Barnier, en 2007 j’ai fait campagne pour le Président Sarkozy, j’ai été responsable des jeunes UMP dans la ville de Fontenay-aux-roses et j’ai soutenu la candidature de François Fillon. Aujourd’hui, je reste un observateur attentif de la vie politique. Cela exprimé, je pense pouvoir dire de mon profil qu’il me porterait à présager, en France comme au Congo, d’un avenir politique au moment opportun. Pour l’heure, le travail demeure ma préoccupation majeure.
Propos recueillis par Olga Ehouango
Crédit Photos : Tchancia Yoro
*FED : Fonds Européen pour le Développement
*AFD : Agence Française de Développement