Dogad Dogoui : “La stratégie d’Africa SMB forum est d’ouvrir les PME africaines au monde”

Dogad Dogoui au BIG 2019 ( bpifrance inno generation ) à Paris/ Droits @Africasmbforum

L’homme d’affaires franco-ivoirien, au fait des enjeux économiques africains, n’est plus à présenter. Grâce à son dynamisme, son pragmatisme et surtout à Africa SMB forum (Africa small and medium size business forum), sa plateforme d’interconnexion de PME africaines dont l’influence s’accroît dans les réseaux d’affaires, Dogad Dogoui est parmi les incontournables dans son secteur. Ses « business meeting » à travers le monde sont devenus des rendez-vous indispensables. Un homme occupé qui a accepté de nous faire part de son actualité. Un entretien AAFC.

AFC: Africa SMB  forum, votre réseau d’affaires vous fait sillonner le monde à la rencontre des acteurs économiques…Que leur proposez-vous?

Dogad Dogoui: Tout d’abord qu’est-ce-que Africa SMB forum ? C’est un réseau qui a démarré en  2012 comme un club de connexion des PME françaises au marché africain.  Nous nous sommes très vite tournés vers les besoins des PME africaines, afin de leur trouver les partenaires de par le monde. Nous sommes devenus un réseau d’affaires en 2014, avec la 1re édition des Africa SMB forum (rencontres B2B d’entrepreneurs) à Casablanca, avant les éditions de Paris en 2017 et Abidjan cette année. Ce sont des rencontres de deux ou trois jours qui permettent aux entrepreneurs de se voir, de se jauger et de regarder ce qu’ils peuvent faire ensemble. Ce sont des « business meeting »,  avec des contacts préalables en ligne pour trouver des solutions  à la recherche de partenaires, de fournisseurs, d’équipementiers, de distributeurs, de marchés et de financements. Aujourd’hui, notre base compte 25.854 entreprises dans cinquante-deux pays en Europe de l’Ouest et du Nord, en Turquie, en Afrique (trente-et-un pays de l’Ouest, du Centre, du Nord et de l’Est et de l’Océan Indien). Nous offrons l’opportunité de se créer des opportunités. Dès l’année prochaine, des entreprises du Canada, des USA, du Brésil et du Chili nous rejoindront.

 Quelle est votre stratégie ?

Dogad Dogoui : Nous souhaitons ouvrir les PME africaines à ce qui se fait au-delà de leurs pays. L’international, pour nous, commence par le pays voisin, en Afrique, car il y’a le commerce intra-africain qu’il nous faut aussi développer. Pour ce faire, notre stratégie est d’avoir un réseau dans le monde – que nous avons constitué -, de fournisseurs, d’équipementiers et de partenaires, qui nous apportent des solutions. Nous sommes par exemple partenaire de Connect to India, un réseau de 1 600 000 entreprises indiennes  pour lesquelles nous apportons le volet et les solutions africaines. Les 21 et 22 novembre à Istanbul, j’interviendrai avec une délégation au forum international sur le Leasing, une  solution d’avenir pour le développement des équipements des PME africaines. Donc, notre mission est de constituer des réseaux de partenariats dans le monde qui peuvent servir les PME africaines.

Nous offrons l’opportunité de se créer des opportunités

N’oublions pas, vous avez relancé « Les dîners business club » le 21 octobre à Paris …

Dogad  Dogoui: Effectivement. A chacune des missions que nous avons souvent au Maghreb, en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale ou en Europe du Nord, nous réunissons dix voire douze membres de notre réseau et nous leur proposons un rendez-vous d’affaires en local. Ce sont des dîners d’affaires de trente ou quarante personnes. Nous avons repris le 21 octobre à Paris les dîners d’affaires en salon privé pour réunir vingt entrepreneurs, qui prennent contact directement avec des partenaires potentiels. Chaque entrepreneur a trois minutes pour présenter sa structure, son projet et ses besoins, tels que la recherche de financements, d’un réseau, d’équipements, de nouveaux agents et partenaires pour distribuer et représenter ses intérêts. C’est l’opportunité de se créer des opportunités.

L’international, pour nous, commence par le pays voisin en Afrique

 Quel est le profil de vos partenaires ?

Dogad Dogoui : Ce sont des institutions économiques et des réseaux économiques.  Nous avons des partenaires comme Connect to India ou WUSME (Word Union of Small and Medium Enterprises) le réseau mondial des PME, dont je suis un Ambassadeur depuis l’année dernière. WUSME nous permet d’accéder à cent-dix pays. Il offre au réseau Africa SMB Forum  des connexions  en Asie, en Amérique latine, en Europe de l’Est. Nous ne sommes pas encore par exemple bien référencés en Egypte, en Ouganda, au Nigéria, en Afrique Australe, parce que nous n’y avons pas encore d’opportunités d’affaires.

Quelles conditions doit remplir une entreprise pour avoir accès à votre réseau ?

Dogad Dogoui: Nous mettrons des conditions d’accès quand la plateforme sera en ligne. Chaque entreprise y sera admise avec une tarification spécifique, en tant que sponsor (institutions et groupes à la recherche de PME sous-traitantes) ou comme abonné (au prix de 600 Euros ou 330 000 FCFA par an), ce qui leur donnera droit à une page de présentation de leurs activités sur la plateforme. Seules sont facturées aujourd’hui les missions de consulting que nous confient une vingtaine d’entreprises : intermédiation B2B, accès aux marchés, recherche de partenaires, agents et financements. Notre objectif est de convaincre plus de 50% des entreprises de notre réseau de rejoindre la future plateforme B2B.

Le leasing est une solution pour équiper et développer les PME en Afrique

La 3è édition de Africa SMB forum a eu lieu du 6 au 8 mars dernier à Abidjan. Quelles en sont les retombées ?

Dogad Dogoui: Deux éditions ont précédé : Casablanca en 2014 puis Paris en 2017, autour des thèmes « Interconnecter les PME africaines » et « Comment financer les PME ? » Pour 2020 ou 2021, nous espérons accélérer le mouvement du commerce intra-africain et de l’industrialisation en Afrique centrale. L’édition 2019 à Abidjan a ciblé la préparation de la phase d’industrialisation, avec un focus sur l’agro-industrie et la finance. Nous avons réuni cent-vingt participants venus de douze pays, accompagnés d’institutions ou de sociétés privées, représentant dix-sept secteurs d’activités. Au-delà des rencontres institutionnelles, les participants ont pu se connecter directement. Quatorze nous ont confié des missions. A chaque forum, notre but est de se faire rencontrer physiquement de futurs partenaires. Et ensuite, nous pouvons les accompagner pendant six à neuf mois, voire plus. Nous avons accueilli beaucoup de structures de financement comme des banques et des fonds d’investissement (private equity), qui travaillent avec nous. La quatrième édition visera le volet équipement industriel. C’est pour cela que je participe au forum consacré à la Lease conference des 20 et 21 novembre à Istanbul, le leasing étant une méthode pour équiper les industries africaines, une manière de se développer en louant du matériel, des équipements, des logiciels etc., avec des solutions financières qui ne pèsent pas sur son budget. A mon sens, le leasing est une méthode qu’il faut développer en Afrique.

 Nous allégeons le chef d’entreprise dans ses besoins à l’international

Que pensezvous de la nouvelle zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) qui va connaitre sa phase de concrétisation en 2020?

Dogad Dogoui : Oui ! Sera-t-elle  prête en 2020 ? En vérité, je n’en suis pas sûr. Les pays ont des raisons politiques, des stratégies bien différentes. L’intégration africaine, c’est la chance que le continent doit avoir. Pratiquer le libre-échange commercial, c’est bien, mails il faut d’abord créer des canaux, il faut habituer les peuples à échanger. Faire du commerce demande d’abord de créer des routes, des lignes aériennes, des voies de chemins de fer etc. Un message fort que l’Afrique envoie ! Simplement je doute ce message ne soit opérationnel maintenant. Il manque un préalable qui n’est pas encore réalisé. Une entreprise tanzanienne peut ou veut-elle vendre au Sénégal ? Aujourd’hui, non ! Les ports de Mombasa et Dakar sont-ils connectés ? Les pays d’Afrique commercent avec le monde, mais pas entre-eux.

La zone est une belle utopie qui tout doucement voit le jour. Mais, il faut faire attention à ce qu’elle ne profite d’abord à d’autres qu’aux Africains eux-mêmes. Si nous n’avons pas les moyens de verrouiller  un marché que l’on ouvre, ce sont les autres qui en profitent ! Produire et consommer local, c’est la meilleure manière d’alléger ou de faire disparaître le déficit commercial, encore faut-il qu’on ait les outils de production et qu’on vise les marchés. Quand on s’appelle le Togo ou le Bénin – qui sont des « petits pays » –  il faut avoir l’intelligence d’attaquer les marchés comme le Nigéria, qui sont de gros consommateurs. Cela veut dire qu’il faut adapter son outil industriel pour pouvoir produire.

Si l’Afrique n’a pas les moyens de verrouiller une zone de marché ouvert, ce sont les autres qui en profiteront !

Vous êtes un nouvel ambassadeur du prestigieux réseau WUSME… Dites-nous.

Dogad Dogoui et SE Gian Franco Terenzi /Droits@Africasmbforum

Dogad Dogoui: WUSME  est l’Union mondiale de PME fondée en 2010  par l’ancien chef d’Etat de la République du San Marino, SE Gian Franco Terenzi. C’est une structure de cent-dix pays, connectée à ECOSOC au sein des Nations-unies pour promouvoir le commerce et les PME dans le monde, en s’assurant que les PME aient accès aux marchés des Etats. Avec l’Afrique les contacts se font avec des émissaires. La rencontre avec moi s’est faite d’abord à Paris, et le contrat de coopération scellé en Inde l’année dernière. En août 2018, je suis devenu ambassadeur Wusme pour la Tunisie, le pays que j’ai choisi, avec en plus un rôle officieux de « Special Advisor » pour l’Afrique.

Que faites-vous concrètement pour ce réseau?

Dogad Dogoui : J’accompagne les dossiers que la Wusme mène pour le compte d’Etats ou de groupements dans toute l’Afrique. J’ai un troisième rôle qui est celui de représenter le Président de WUSME à la COP. Je l’ai fait à la COP 24 en Pologne, je le ferai pour la COP 25 au Chili, en décembre 2019.  Il s’agira d’aller défendre la position du réseau auprès des Nations-unies sur la place des PME dans la gestion du climat. Les entreprises africaines connaissent peu le concept du « climate finance », qui génère énormément d’argent dévolus aux entreprises afin qu’elles s’adaptent au changement climatique. Un nombre très limité d’entreprises africaines font appel à ces fonds. Mon plaidoyer est de faire entendre la voix des PME africaines dans le monde et de ramener ces financements auprès des entreprises de notre réseau qui sont dans le domaine de l’énergie renouvelable, du développement durable, de la technologie adaptée, de l’agriculture raisonnée, des transports propres etc. Ma mission est encore de leur dire d’adapter leur outil industriel et leur production à la réduction de l’impact sur l’environnement. Pour les PME africaines s’engageant sur cette question et souhaitant un accompagnement, je propose la solution et des financements.

Une charge bien lourde… Qui accompagne Dogad Dogoui?

Dogad Dogoui: J’ai des relais, des filleuls – qui ont ma confiance et qui y trouvent leur intérêt-, dans chaque pays où je passe, grâce à mon programme d’accompagnement ou au réseau de business club. N’oublions pas non plus que j’ai également initié et structuré il y a vingt ans, le réseau Africagora. Créé en 1999 en France, puis étendu à Bruxelles, Genève et Madrid, Africagora  a compté jusqu’à 3.200 membres. Africagora  a accompagné pendant sept éditions jusqu’à cent-vingt jeunes diplômés à travers le programme « Talents de la diversité ». Ceux-ci constituent aujourd’hui de merveilleux relais dans une trentaine de pays africains. 

Si vous deviez faire un bilan d’Africa SMB forum aujourd’hui, que diriez-vous ?

Dogad Dogoui : Je dirais qu’en sept années, Africa SMB Forum est passé d’un club de contact à un véritable réseau. Mais le concept n’est pas encore le réflexe de PME africaines. Actuellement, Africa SMB Forum est bien ancré en Inde, commence à se positionner en Chine, est très bien en Turquie, ainsi qu’en France où il est né, avec les instances communautaires de Bruxelles et de Luxembourg. Le réseau pousse également dans les pays scandinaves. Nous visons le Canada à travers un partenariat avec Le Forum Afrique Expansion basé à Montréal. A toutes ces zones, nous  apportons les solutions aux attentes des investisseurs en Afrique. Ils  savent qu’au-delà des Etats et des grands groupes, il y’a surtout les PME locales avec lesquelles ils peuvent composer. Donc le bilan est celui-ci : nous sommes au début d’un socle qui nous  permettra demain d’aller vers une plateforme en ligne. L’objectif c’est d’avoir 50 mille, voire 100 mille entreprises dans notre Base pour avoir un éventail suffisant afin de répondre à toutes les questions que pose un investisseur africain ou non africain  qui veut commercer avec une PME africaine.  L’avenir est en Afrique et à travers les PME locales.

Propos recueillis par Carmen Féviliyé

Dogad Dogoui et Carmen Féviliyé à l’issue de l’interview à Paris Droits @ AFC

Droits Photos: Africasmbforum

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Juriste d’affaires Ohada / Journaliste-Communicant/ Secrétaire Générale de l'Union de la Presse Francophone - UPF section France