Face aux inquiétudes soulevées par les derniers rapports de la MIVILUDES, et au sentiment croissant d’injustice ressenti par nombre de fidèles évangéliques d’origine africaine, plusieurs responsables religieux et collectifs chrétiens francophones ont élaboré des propositions concrètes pour restaurer la confiance et bâtir un cadre de dialogue sain avec les autorités françaises.
Par Carmen Féviliyé
Sortir d’une lecture culturelle biaisée des cultes africains
- Constat : Beaucoup de pratiques évangéliques issues d’Afrique (prières collectives, imposition des mains, louanges démonstratives, jeûnes intensifs) sont souvent perçues comme suspectes ou extrêmes.
- Proposition : Former les agents publics (préfectures, collectivités, police, éducation) à la diversité des expressions religieuses africaines pour éviter les amalgames avec les « dérives sectaires ».
Mettre en place un organe représentatif évangélique pluraliste
- Constat : L’absence de structure officielle représentative du courant évangélique africain rend le dialogue difficile.
- Proposition : Créer une plateforme nationale de dialogue entre les Églises africaines francophones et les pouvoirs publics, incluant des figures issues de différentes traditions (charismatiques, pentecôtistes, réformées).
Favoriser les rencontres régulières avec les institutions
- Constat : Trop souvent, les échanges avec l’administration se limitent à des situations de crise ou de contrôle.
- Proposition : Organiser des forums annuels de dialogue religion/État, avec la participation active des pasteurs africains, des élus locaux, des sociologues et de la MIVILUDES.
Clarifier les règles sur la loi de 1905 et leur application équitable
- Constat : Beaucoup d’églises africaines fonctionnent comme associations cultuelles sans être toujours reconnues, faute d’accompagnement juridique ou administratif.
- Proposition : Créer des cellules d’appui juridique pour accompagner la conformité des Églises aux lois françaises, plutôt que de les marginaliser par des fermetures administratives.
Encourager l’autorégulation et la transparence
- Constat : Certaines Églises reconnaissent qu’il existe parfois des dérives internes (abus spirituels, finances opaques).
- Proposition : Adopter des chartes de bonne conduite, publier des rapports d’activité annuels et encourager la formation des pasteurs en éthique, gouvernance et droit religieux.
Reconnaître le rôle social et spirituel des Églises africaines
- Constat : Ces communautés apportent un soutien moral, économique et psychologique à des milliers de personnes, en particulier dans les quartiers populaires.
- Proposition : Intégrer les Églises évangéliques dans les politiques publiques locales (jeunesse, famille, médiation sociale, etc.) comme partenaires à part entière.
Les acteurs du dialogue interreligieux
Voici les responsables religieux et collectifs chrétiens francophones ayant activement contribué à l’élaboration de propositions pour améliorer le dialogue entre les Églises évangéliques africaines en France et l’État, dans le contexte des inquiétudes soulevées par les rapports de la MIVILUDES :
1. Le Conseil national des évangéliques de France (CNEF)
- Porte-voix de près de 70 % des chrétiens évangéliques en FranceMiviludes+Info Chrétienne+Journal Chrétien+info.
- Dès la publication du rapport 2022–2024 de la MIVILUDES, le CNEF a condamné les dérives sectaires signalées, tout en dénonçant une lecture excessive généralisée des Églises africaines non affiliées7info+7AAFC+7.
- Les dirigeants évangéliques y ont plaidé pour plus de nuance dans la distinction entre pratiques légitimes et abus avérésRegards protestants.
- Lors de son assemblée plénière du 5 juin 2025, il a lancé un appel pour une réconciliation sincère avec les Églises issues des diasporas et un dialogue inclusif par-delà les différences théologiques Mission 21+13info+13Journal Chrétien+13.
2. La Communion des Églises de l’Espace Francophone (CEEF)
- Réseau d’Églises charismatiques africaines présentes en France, membres du CNEF
- Du fait de sa composition transnationale et interconfessionnelle, la CEEF a participé à des forums et groupes de concertation, appelant à un dialogue culturellement informé avec les autorités.
3. La Communauté des Églises d’Expressions Africaines en France (CEAF)
- Regroupe environ 38 Églises africaines francophones (Église du Rocher, Oasis d’amour…) implantées en Île-de-France et dans plusieurs grandes villes françaisesLe Monde.fr.
- La CEAF défend la transparence, la gouvernance éthique et l’intégration active des Églises africaines au sein du protestantisme français, tout en affirmant leur identité africaine légitimeLe Monde.fr+12Journal Chrétien+12.
4. Collectifs et associations humanitaires impliquées
- Aide aux Églises d’Afrique (AEA) : association œcuménique active dans l’accompagnement des Églises africaines en France, membre du réseau missionnaire implicite dans le dialogue interreligieux Journal Chrétien.
5. Organisme de défense des droits religieux (ODEC)
- L’Organisation pour les Droits des Églises et des Chrétiens (ODEC) agit comme médiateur et défenseur auprès des institutions publiques françaises et internationales pour soutenir l’équité cultuelle des communautés chrétiennes, y compris évangéliques africaines odec-gouv.com.
Synthèse des propositions principales
Acteur / Collectif | Principales recommandations |
CNEF | Dialogue institutionnel, reconnaissance des diasporas |
CEEF et CEAF | Formation à la diversité cultuelle, autorégulation, transparence |
AE A / ODEC | Défense juridique, médiation avec les pouvoirs publics |
Pourquoi ces acteurs sont essentiels ?
- Pour réduire fossé culturalo-institutionnel : ces réseaux participent activement à rééquilibrer la compréhension des pratiques africaines en France,.
- Pour la mise en pratique concrète de propositions : de la formation à l’autoévaluation jusqu’à l’établissement de chartes éthiques.
- Pour la résonance nationale et internationale : grâce à leurs structures fédératives, elles sont en mesure de représenter une voix unifiée auprès des pouvoirs publics.
Ce dossier spécial montre que les Églises évangéliques africaines en France ne fuient pas le débat, bien au contraire. Elles demandent respect, reconnaissance et co-construction, plutôt qu’un traitement suspicieux et déséquilibré. L’État, garant de la liberté de culte, a aujourd’hui l’opportunité de créer un nouveau cadre de confiance et d’équité.